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Droits d’auteur et instruments sonores : l’originalité d’un carillon au-delà des notes et des procédés techniques

Dans le cadre d’une action en contrefaçon, le tribunal judiciaire de Rennes a été amené à se prononcer sur l’originalité d’un carillon éolien.

Les défenderesses contestaient la protection par le droit d’auteur en invoquant trois arguments principaux : (1) les notes de musique employées ne sont pas protégeables, (2) des carillons similaires existeraient depuis l’Antiquité, et (3) certains procédés techniques mis en œuvre relèveraient du domaine public.

1/ Le tribunal a rappelé que les notes isolées, en tant qu’éléments musicaux, ne constituent pas des œuvres de l’esprit et ne peuvent être protégées.

Toutefois, il a précisé que ce constat n’exclut pas la protection de l’instrument lui-même, qui, dans le cas d’un carillon éolien, n’est pas joué par un musicien et produit ses sons uniquement par le vent.

L’originalité ne réside pas dans les notes ou accords pris isolément, mais dans la combinaison et l’agencement des éléments, le choix des matériaux, ainsi que les aspects techniques et esthétiques traduisant l’empreinte personnelle de l’auteur.

2/ S’agissant des antériorités, les défenderesses soutenaient que des carillons éoliens étaient attestés dès 3000 av. J.-C. en Asie du Sud-Est et dès 1100 av. J.-C. en Chine, fabriqués en os, bois, bambou ou coquillages, et qu’il s’ensuivait que l’invention n’était pas nouvelle.

Le tribunal a toutefois rappelé que les demandeurs ne revendiquaient pas l’invention d’un carillon, mais l’originalité de leur instrument spécifique.

En application de l’article L. 112‑2, 10° du Code de la propriété intellectuelle, les œuvres des arts appliqués, dont peuvent relever certains instruments de musique, sont protégées dès lors que les caractéristiques de l’originalité sont réunies. L’argument de l’ancienneté antique des carillons est donc inopérant.

3/ Quant aux procédés techniques, le tribunal a rappelé que le droit d’auteur ne protège pas les fonctions, méthodes ou procédés techniques en tant que tels, ces derniers relevant du domaine public.

Il a toutefois précisé que, dans le cas du carillon éolien, les choix opérés par l’auteur concernant l’assemblage des tiges, le nombre de hauteurs de notes, la répétition à l’octave, le type de matériaux et la conception de la caisse de résonance ne résultaient d’aucune contrainte technique obligatoire.

Ces décisions traduisent un effort créatif et l’empreinte personnelle de l’auteur et ne sauraient être réduites à de simples procédés techniques.

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Ainsi, le tribunal a souligné que la protection par le droit d’auteur ne porte pas sur les éléments isolés, mais sur l’agencement original des sons, les choix techniques et esthétiques, et l’empreinte personnelle de l’auteur. Même en présence d’antériorités ou de procédés connus, c’est la combinaison globale de ces éléments qui fonde l’originalité protégeable.

TJ Rennes - 06 octobre 2025 2ème Chambre civile N° RG 22/08917

Etienne Bucher