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Comment protéger les algorithmes ?

Le monde, enregistré et analysé par les algorithmes, intègre désormais cette nouvelle forme d’intelligence mathématique aussi captatrice que communicante par laquelle tout transite et s’analyse.

Ces formules détiennent un rôle toujours plus important et crucial dans nos sociétés. Elles sont devenues les éléments clefs de nos systèmes d’information et apparaissent comme des actifs immatériels de très grandes valeurs pour les acteurs économiques.

Mais alors, comment les protéger efficacement ?

Par le droit d’auteur ? 💡

En principe, si le logiciel est protégeable par le droit d’auteur, ce n’est pas le cas de l’algorithme. Ce principe mathématique relève du champ des idées qui ne peuvent faire l’objet d’une appropriation.

Néanmoins, l’intégration de l’algorithme au sein d’un logiciel est susceptible de lui conférer une protection à la condition que ce dernier porte l’empreinte de la personnalité de son auteur.

En pratique, il serait toutefois hasardeux d’agir en justice à l’encontre d’un tiers non autorisé qui reprendrait uniquement l’algorithme de manière frauduleuse et non le logiciel dans son ensemble.

Par le droit des brevets ? 💡

En principe, le droit des brevets exclut formellement la brevetabilité des méthodes mathématiques.

Toutefois, là encore, une protection indirecte est envisageable si l’algorithme fait partie intégrante d’une invention brevetable.

Nonobstant le fait que la protection sera ici encore indirecte, l’inconvénient est que les algorithmes font bien souvent l’objet de mises à jour qui obligent aux dépôts de plusieurs brevets successifs. Par ailleurs, chaque brevet nécessite de divulguer la précieuse formule.. aussi aux concurrents !

Par la confidentialité ? 💡

Si la discrétion est parfois la meilleure protection, encore faut-il l’organiser.

Il est tout à fait possible de conclure des clauses ou des accords de confidentialité à l’endroit des clients, salariés, partenaires. La mise en place de telles conventions permettra d’engager la responsabilité contractuelle du co-contractant en cas de divulgation de la formule mathématique.

Dans l’éventualité où ces contrats n’auraient pas été mis en œuvre, il demeure la possibilité d’engager une action en responsabilité délictuelle fondée sur la concurrence déloyale ou sur le parasitisme à l’encontre de la personne qui exploite l’algorithme et bénéficie indûment des investissements réalisés pour son développement.

Par le secret des affaires ? 💡

Depuis 2018, la loi organise une protection de l’information qui « revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret » et « fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. »

Si l’algorithme répond à ces critères, et notamment s’il a fait l’objet de mesures de protection raisonnables telles que la mise en place d’une charte informatique au sein de l’entreprise, d’une politique de gestion des accès ou encore d’accords de confidentialité avec les tiers, le détenteur de la formule pourra obtenir réparation de son préjudice en cas d’obtention, utilisation ou divulgation illicite de son actif immatériel.

✔️ En tout état de cause, il est vivement recommandé aux détenteurs d’algorithmes de se constituer une preuve de leur antériorité sur la formule : par le biais d’un dépôt à l’agence pour la protection des programmes (APP), ou par un simple dépôt dans la Blockchain.

Etienne Bucher