L’appréciation de l’originalité en droit d’auteur : vers une reconnaissance du regroupement d’œuvres ?
L’originalité constitue un critère fondamental en matière de droit d’auteur, garantissant à une œuvre la protection juridique qui lui est due.
Elle se définit par l’empreinte de la personnalité de l’auteur, ce qui suppose des choix libres et créatifs manifestant une individualité.
Cette exigence s’applique à toute œuvre de l’esprit, qu’elle relève du domaine artistique, littéraire ou même utilitaire.
Toutefois, lorsqu’il s’agit de séries d’œuvres, la démonstration de l’originalité peut s’avérer complexe, notamment en raison du nombre important de créations à analyser.
Est-il envisageable de regrouper certaines œuvres dans le but de mettre en évidence leur originalité ?
La jurisprudence a déjà eu l’occasion d’admettre qu’un regroupement d’œuvres peut faciliter l’appréciation de leur originalité, dès lors que ces œuvres partagent des caractéristiques communes traduisant un effort créatif identifiable.
C’est notamment le cas en matière de photographies, où la Cour de cassation a reconnu qu’il est possible d’apprécier l’originalité d’un ensemble en s’appuyant sur une analyse globale, à condition de ne pas écarter totalement l’examen individuel des œuvres concernées.
Une décision de 2017 illustre bien cette position, puisque la Cour a reproché aux juges du fond de ne pas avoir procédé à un examen distinct des photographies, tout en confirmant que le regroupement pouvait constituer un mode pertinent d’appréciation. [1]
Cette orientation semble avoir été confirmée par des décisions ultérieures, notamment en 2020, où la Cour de cassation a admis la possibilité de regrouper plusieurs photographies en fonction de leurs caractéristiques communes, afin d’apprécier leur originalité respective. [2]
D’un point de vue doctrinal, cette approche a également suscité des réflexions sur l’opportunité d’assouplir la preuve de l’originalité dans les contentieux impliquant un grand nombre d’œuvres.
Est-ce opportun de modifier les conditions de démonstration de l’originalité des œuvres ?
Certains auteurs ont suggéré d’abandonner l’exigence rigide d’une démonstration œuvre par œuvre au profit d’une méthode permettant de regrouper les œuvres selon leurs caractéristiques stylistiques ou conceptuelles.
Une telle évolution faciliterait la reconnaissance de la protection des ensembles d’œuvres et éviterait qu’un morcellement excessif ne vienne affaiblir la portée de la création intellectuelle.
⚠️ Toutefois, cette méthode n’est pas dénuée de limites.
En premier lieu, il ne saurait être question d’admettre un simple assemblage d’œuvres, dépourvu de justification, au risque d’affaiblir l’exigence d’originalité.
En second lieu, même en présence d’un regroupement cohérent, l’examen individuel de chaque œuvre demeure nécessaire pour éviter une appréciation trop large et imprécise.
La Cour de cassation elle-même insiste sur cette nécessité, rappelant que l’originalité ne peut être présumée du seul fait d’une appartenance à un ensemble, mais doit être démontrée par des éléments concrets.
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En pratique, l’appréciation de l’originalité par regroupement repose donc sur un équilibre délicat entre la reconnaissance d’un ensemble cohérent et la nécessité de préserver l’analyse individuelle de chaque création.
Lorsqu’elle est correctement argumentée, cette méthode permet d’alléger la charge probatoire pesant sur les auteurs, tout en garantissant une protection effective de leur travail.
💡Si le regroupement constitue un outil pertinent pour mettre en lumière l’empreinte créative d’un ensemble d’œuvres, il ne dispense pas d’une analyse rigoureuse fondée sur des critères objectifs et un parti pris esthétique clairement identifiable.
[1] Cass. 1re civ., 11 mai 2017, n°15-29.374 - https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000034705564
[2] Cass. 1re civ., 21 oct. 2020, n°19-16.193 - https://www.courdecassation.fr/decision/5fca2e33e71e814e73567c7d